C’est dans une baie de Saint-Michel baignée par les lumières en clair-obscur de l’expressionisme que Christophe Bigot dresse les murs du château de la baronne d’Escreuil – son personnage principal qu’il dérobe à la vue des lecteurs pendant la plus grande partie du roman. Tour à tour héroïne et victime de cette période de brûlure vive qu’a été la révolution, la baronne s’est retranchée dans cette forteresse du deuil que gardent comme des cerbères de rares domestiques. C’est dans ce décor replié sur lui-même qu’arrive l’ingénu Baptiste Rivière, jeune clerc de notaire, chargé par son maître de dresser l’inventaire des possessions du château. Il doit aider la baronne à établir son testament. Mais Baptiste n’est pas préparé au monde qu’il pénètre. La découverte notamment de « l’enfer » de la bibliothèque, cet endroit où l’on cachait les livres sulfureux, puis la rencontre tant espérée avec la baronne, bouleverseront sa vie à jamais.
Que dit la littérature gothique des tourments de notre époque ? Beaucoup sans doute, puisque quelques-uns des plus brillants écrivains contemporains lui ont emprunté ses atmosphères magnétiques, ses décors, le motif du château qui enferme les passions et l’histoire de notre pays, avec une réussite exceptionnelle.
Le travail de l’illustrateur Yohann Propin accompagne l’écriture de Christophe Bigot à la façon des gravures des éditions du XIXe siècle.
Au livre illustré, on ajoute l’idée d’un livre relié, à l’anglo-saxonne. Et une découpe dans la couverture, comme un œilleton qui viendrait servir le voyeurisme du jeune Baptiste découvrant le château des trompe-l’œil.
Enfin, dernier hommage à l’époque flamboyante des romans du XIXe siècle : la tranche des livres est bleutée – on appelle ça le jaspage.
Adolescent, Christophe Bigot était passionné de littérature et de dessin. Au point de vouloir tracer une carrière dans l’un de ces deux domaines. Agrégé de lettres modernes, il enseignera finalement la littérature. Obsédé par la révolution française, il y consacrera son premier roman, L’Archange et le procureur, chez Gallimard, salué par plusieurs prix. D’autres romans suivent mais un projet en particulier couve toutes ces années, un hommage à la littérature gothique anglaise – genre littéraire qui n’est autre que l’exutoire, de l’autre côté de la manche, de l’horreur suscitée par la Révolution française : la boucle est bouclée.
L’épisode 1 de notre mini-série produit par L’Eloge sur le processus de création de cet ouvrage est disponible ici